Le COVID-19 a imposé le confinement et de ce fait, l’usage et la disponibilité de l’Internet est devenu un élément primordial dans la continuité d’activité du pays. Cependant, la connexions Internet semblent plus lentes chez soi et les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) se plaignent d’un trafic en hausse. Qu’en est-il vraiment ? Veryfrog démêle ici le vrai du faux.

Trafic Internet et Coronavirus COVID-19

Comment fonctionne le réseau et le trafic Internet ?

L’adresse IP

Comme dans toute organisation vaste et complexe, il faut un moyen d’identifier les éléments constituants. Par exemple, pour les habitations en France, on dispose de l’adresse postale comme moyen unique de différencier les maisons. Pour l’Internet, on va utiliser l’adresse IP, pour Internet Protocol. Cette adresse est une série de nombre permettant d’identifier de manière unique un équipement sur un réseau. A l’heure actuelle, il existe 2 versions d’adresse IP :

  1. L’IPv4 : Elle s’écrit sous la forme de 4 nombre compris en 0 et 255 séparé par des points. Exemple: 185.216.27.12
  2. L’IPv6 : Cette version tend à remplacer l’IPv4 qui ne peut fournir assez d'adresses pour l’ensemble des objets désormais connectés. Elle s’écrit sous la forme de 8 groupes de 4 chiffres hexadécimaux séparés par des deux-points. Par exemple, 2001:0620:0000:0000:0211:24FF:FE80:C12C

Enfin, ces adresses IP existent en 2 versions : les adresses IP privées, utilisées chez vous ou dans votre entreprise (classiquement sous la forme 192.168.x.y) et les adresse publiques, celles visibles sur l’Internet. Vous pouvez afficher la votre en allant par exemple sur le site monip.org.

Obtenir une adresse IP publique

L’Internet ne fonctionne qu’avec des adresses IP publiques. Mais comment faire pour en obtenir une ? Il a été décidé que des organismes continentaux privés allaient être en charge d’attribuer ces fameuse adresses aux entreprises. En Europe, nous dépendons du RIPE NCC. Après avoir montée un dossier et payé quelques milliers d’euros, ces organismes vont vous attribuer un ensemble d’adresses IP ainsi qu’un numéro d'Autonomous System (AS) qui servira à vous identifier. Pour la suite de l’article, nous allons donc confondre IP, adresse IP et adresse IP publique pour des raisons de praticité.

J’ai des adresses IP publiques, et maintenant ?

Maintenant que vous avez des adresses IP, il faut dire aux autres AS que c’est vous qui les détenez et que le trafic internet à destination de ces IP est à envoyer sur vos équipements. Pour cela, il faut utiliser le protocole BGP (Border Gateway Protocol). Ce dernier permet de s’échanger la liste des chemins pour atteindre une adresse IP. Ces chemins apparaissent simplement sous la forme d’un liste d’AS à traverser.

Vous l’aurez ainsi deviné : pour que le BGP fonctionne et que la liste des AS à traverser soit pertinente, il faut les AS soient physiquement connectés entre eux. Pour faciliter l’interconnexion des AS, des points d’échanges (Internet eXchange ou IX) ont été créés un peu partout dans le monde. Il s’agit de datacentre dans lesquels les AS se branchent les uns aux autres pour s’échanger leurs chemins BGP et leur trafic internet.

Finalement, Internet peut se résumer à des entités qui ont des adresses IP publiques (comme Orange, SFR, mais aussi Google, Amazon, …) et qui s’échangent du trafic internet et des informations de routage (les fameux chemins BGP) dans des IX.

Impact du Coronavirus Covid19 sur le trafic Internet

Les FAI se plaignent d’une augmentation du trafic Internet suite aux mesures de confinement, mais pour autant ne fournissent aucune métrique. Maintenant qu’on sait comment fonctionne Internet, on comprend que si le trafic Internet a exploser, on devrait le voir au niveau des IX. En France, une des principaux IX est FranceIX et il publie ses statistiques. Voici les mesures mensuelles à l’heure de l’écriture de cet article :

Trafic Internet FranceIX La flèche rouge indique le début du confinement en France. On constate donc que rien n’a changé ! Mais alors pourquoi certains services se trouvent ralentis ? Et pourquoi les FAI crient-ils à la catastrophe imminente ?

Les vraies raisons des ralentissements et des plaintes des FAI.

En fait, le trafic internet est resté le même mais il a été redirigé vers des services différents. Citons la visioconférence, vidéos (youtube/Netflix) ou les réseaux sociaux. Et les ralentissements ne proviennent pas tant du trafic internet que de la façon dont sont développés et déployés ces services. Le monde se rend enfin compte que créer des services qui montent en charge n’est pas aussi simple que ça. Un stagiaire développeur n’est effectivement pas suffisant pour bâtir une solution pérenne !

Concernant les FAI, ils profitent simplement de ce moment pour casser un principe qui les embêtent grandement: la neutralité d’Internet. Ce principe fondateur stipule que chacun est égal devant son accès et le traitement de son trafic Internet. Cependant, les FAI aimeraient bien nous faire payer nos accès en fonction des contenus visités. Par exemple, un gros consommateur de vidéos devraient à leurs yeux payer plus qu’un simple lecteur de Wikipedia car il utilise beaucoup plus leur infrastructure. Le timing est donc idéal pour ramener le sujet sur le devant de la scène.

Enfin, afin de supporter le trafic Internet redirigé vers eux, certains services dégradent volontairement leur qualité de service. Ainsi, Netflix et Youtube ne propose plus leurs contenus en haute définition. Cela permet de supporter la charge sans pour autant investir dans de nouveaux équipements.

Au final, il s’agit bien de raisons économiques et non techniques qui amènent à un ralentissement des accès Internet. Après tout, comme le disait Peter Drucker, chaque changement est une opportunité. Les FAI et les géants du Web la saisissent pour en tirer profit et servir leurs ambitions. A nous d’en faire autant !